Etage Primo - Section Oméga

Alors qu'une douzaine de Khanos leur faisait face, Zakiel fut surpris par ce pouvoir nouveau. Alors qu'il était absolument sûr de sa technique il y a quelques années, les temps passées sous la protection de ses enfants et ses gardes avaient du le ramollir et le padré se sentait maintenant forcé d'utiliser un tel subterfuge... Zak' était assez navré de voir que son père n'avait pas la puissance d'entrainement quotidien d'un Anwilein de cette trempe.

Zakiel n'avait presque plus d'énergie pour utiliser son propre pouvoir, s'il jugulait son pouvoir pour l'utiliser à faible puissance, il pensait pouvoir l'invoquer encore deux ou trois fois, pas plus. Cela suffirait.

Le fait est que le Mutant accomplissait parfaitement son œuvre en gérant à lui tout seul non moins de 7 Khanos. Sa sauvagerie n'était pas démérité, et même si sa technique était loin d'être parfaitement exécutée, il ne pouvait nier qu'elle avait une certaine efficacité.. sanglante. La Thisbane, quand à elle, avait fui. Rien d'étonnant là dedans, mais au moins, deux autres Khanos se retirait du combat afin de la poursuivre. Ce qui ne laissait plus que trois face à lui, et il ne faisait aucune doute que son père réel était dans le tas. Il était sa cible, et il n'allais pas rater cette belle occasion.

Faisant apparaitre sa lourde épée à deux mains en position agressive, levée bien haut au dessus de sa tête, Zakiel bondit en avant, tentant de découper le plus proche de ses adversaires. Celui-ci esquiva le coup avec facilité et envoya sa lance en avant pour empaler Zak' dans son élan.
L'Anwilein aux yeux d'or dégagea la lance d'un coup de poing gantée avant de séparer son épée à deux mains en deux épées et de parer les deux autres Gharn qui tentaient de profiter de l'occasion pour attaquer.

Avec une roulade, Zakiel se dégagea de l'emprise de ses trois adversaires, et, utilisant ses deux épées, profita de la manœuvre pour couper proprement les deux jambes d'un de ses adversaires, qui disparut alors dans un nuage de poussière dorée.
Avec l'effet de surprise, Zak fit disparaitre ses lames afin de faire revenir son épée à deux mains, puis la propulsa sur un autre Gharn qui la pris de plein fouet dans le torse. Ce deuxième adversaire disparut à son tour, en même temps que l'épée de Zakiel.

"Trop facile..." pensa l'Anwilein avec amertume

Plus qu'un seul Gharn lui faisait face désormais, assurément le réel. Celui-ci ricana avant d'expliquer à son fils.

"Haha... Tu penses que je suis si faible? Simplement, le fait que je me multiplie n'est pas vraiment ça... Il s'agit en réalité d'une division, ma force est divisée équitablement entre mes différents clones. Ainsi, pendant que tes amis s'embêtent à détruire des illusions, ils se fatiguent, et ma force ne fait que croître..."

Zakiel eut à peine le temps de reformer sa lame que son père planta sa lance dans l'épaule gauche de son fils.
Avec un cri de douleur, l'Anwilein se retira de la Voix de Gharn et le sang coula de sa blessure.
Malgré sa lourde armure, le fait que la lance de son Père ai pu pénétrer aussi facilement et le blesser l’inquiétais au plus haut point. Il ne pouvais compter sur sa protection habituelle, apparemment.

Alors que Skala' tuais de plus en plus de clones autour de lui, Zakiel sentit que la force de son père augmentait en proportion. Il fallait absolument qu'il l'achève avant que tous ne soit assimilés et que le groupe soit trop affaibli pour pouvoir lui faire face...

Une lance n'étant pas l'arme la plus évidente à manier rapidement, l'Anwilein aux yeux d'Or comptais profiter de ce défaut pour prendre l'avantage. Séparant son épée en deux lames, il se rua sur son père et commença à donner une volée de coups furieux, tentant de trouver les points faibles de son ennemi rapidement, bien que celui-ci ne sembla en avoir aucun, et qu'il parait tous les coups avec une facilité déconcertante.

Avec un coup de genou, Zakiel déstabilisa suffisamment son père pour lui faire une légère entaille sur le bras, ce qui ne fit que le motiver un peu plus, son père n'était pas infaillible et il allait le prouver !
Gharn reprit peu à peu consistance, et le combat entre les deux Anwileins était vraiment terrible à observer. Chaque coup était parée avec une vitesse phénoménale alors que chacun tentait de trouver une faille dans la garde de l'adversaire... Mais ayant été à la même école et entrainé de la même façon, chacun avec la même manière de se battre.

Pendant qu'il esquivait un coup qui aurais empalé n'importe qui, Zakiel pensa qu'il devait maintenant faire fi des traditions et se servir de ce qu'il avait appris en dehors du domaine familial, et se montrer plus inventif dans sa façon de se battre.

Concentrant un peu de la puissance puisée dans la fontaine, un flash de lumière vive éclata un mètre à gauche de Gharn, qui perdit contenance une seconde, pensant se faire attaquer de ce côté.
Profitant de cette occasion, Zakiel donna un rapide coup d'épée en direction de la tête de son père. Réagissant beaucoup trop vite, celui-ci esquiva le coup, ne laissant qu'une fine entaille sur sa joue.

"Bien joué, Zak... Je vois que tu utilises ton pouvoir à bon escient..."

Envoyant sa lance en avant une nouvelle fois, Gharn allait embrocher Zakiel mais celui-ci parvint à contrer le coup en créant un faible bouclier de lumière face à lui qui lui laissa les secondes nécessaires pour esquiver le coup.

Finalement, il ne lui restait assez d'énergie que pour une seule utilisation assez faible de son pouvoir, et il pensait savoir comment s'y prendre pour réussir à tuer son père...

Gharn attaqua à nouveau, mais réussi cette fois à transpercer Zakiel. Armure et chair ne parvint pas à arrêter la pointe de son arme, et l'Anwilein aux yeux d'or se retrouva empalé sur la Voix de son propre Père.
Avec un hoquet de surprise et de douleur, Zakiel sentit la pointe traverser son corps de part en part et ressortir de l'autre côté de son armure, sanguinolente et couverte de morceaux organiques.

Avec un ricanement sauvage, les yeux de Gharn s'illuminèrent de joie.

"Finalement, tu n'as pas changé. Toujours aussi mauvais, mon fils. Je me ferais une joie de tuer ensuite tes amis et d'oublier bien vite cette histoire..."

Enfonçant encore un peu plus sa lance, Gharn se rapprocha de son fils pour contempler sa lente agonie.
Sur son masque de souffrance et de larmes de douleurs, Zakiel eut néanmoins un sourire qui se forma en voyant l'erreur de son père, que celui-ci ne compris que trop tard.

La lame gauche de Zak' se lança horizontalement et décapita son père avant qu'il ne puisse faire le moindre mouvement de recul ou d'esquive.
Son maniement de la lance l'avait rendu puissant à moyenne portée, mais une fois au corps à corps plus proche, ses réflexes étaient considérablement ralentis.

Avant même que le sang ne puisse sortir de la plaie béante qui était désormais son cou, Gharn Khanos disparut avec ses clones encore en vie, emmenant avec lui la Voix et le dernier vestige de la famille de Zakiel.

L'Anwilein aux yeux d'or, débarrassé de la lance qui le transperçait, appliqua rapidement sa main sur la blessure et utilisa tout ce qui lui restait de pouvoir afin de se soigner, du moins de stopper l'hémorragie. Sa manœuvre était très risquée, et lui-même ne savait pas s'il allait survivre à cette expérience.

Tentant de faire un pas, le monde se mit à vaciller et Zakiel mit un genou à terre, avant de s'effondrer totalement au sol, pas inconscient, mais complètement paralysé par la douleur et la difficulté de ces dernières heures.

"Et... mer... merde." souffla Zakiel avant de fermer les yeux sur un coma libérateur.

Il n'y avait rien d'autres que des ténèbres teintées de sang. Des ombres mouvantes ne cessaient de le harceler mais il les écrasait avec toute la férocité dont il était capable. La hache se leva encore une fois, pressée de goûter à nouveau aux os brisés et à la chaire flasque encore vivante. La lame ne rencontra que le vide. L'ombre avait disparu. Tel un cobra, l'arme virevolta à la recherche de ses proies mais plus rien ne se mouvait dans la pièce.

Après quelques secondes, à errer vainement l’œil fou et l'expression toujours aussi menaçante, un hurlement guttural s'échappa de la gorge du mutant. Récupérer ses esprits étaient toujours douloureux. Ses genoux s'affaissèrent sur le sol tandis que ses mains se portaient à se blessure béante. La douleur le plia en deux. Il déchira en tremblant un nouveau bandage pour ralentir le saignement. C'était assez moche, il lui faudrait forcément de la magie réparatrice pour qu'il puisse survivre. Une blessure au ventre de ce genre était mortel sans meilleur soin. Elle avait juste l'avantage d'être lente et douloureuse, ce qui lui laissait une chance d'être soigné. La douleur, il en faisait son affaire, il avait l'habitude. Suffisait de serrer les dents en pensant à autre chose, un bon repas par exemple.
Zakiel... Ce connard pourrait lui permettre de tenir plus facilement. Il fit pour la première fois depuis son réveil un tour d'horizon de la caverne. Comme prévu, il ne restait pas grand chose, comme à chaque fois qu'il se réveillait de son « sommeil ». Un anwilien gisait néanmoins sur le sol à quelques mètres de lui.

« Fais chier... »

Zakiel était en vie mais inconscient. Son armure était percée de part en part mais la blessure était bien moins moche que celle de Skala, et à vrai dire, elle avait déjà en partie cicatrisée. Quelques claques ne changèrent rien à son état de comateux.

« Sale con, la prochaine fois que t'utilises une technique pareil, essaie de pas être infoutu de te réparer, limace ! Et tu me sers à quoi si t'es même pas capable de tenir debout, ptain de mollusque ! »

L'anwilien ne réagit pas aux insultes mais ça défoulait bien. Skalathrax attrapa une torche, hissa douloureusement le crustacé sur son dos et repartit d'où il était venu.

La salle du trône était encore plus bordélique que quand ils l'avaient quittés. La petite fée grelottait au milieu et ne devait pas être étrangère à tout ça.

« Tiens je pensais que tu te serais déjà fait la malle, la mouche. Je pense que ton benzert va avoir de la visite sous peu. T'es encore capable de me suivre ou faut que je te porte sur l'autre épaule, microbe ? »

La demi-lune brillait dans le ciel, d'un éclat aveuglant, tranchant, comme si Lain pouvait sentir les rayons la traverser de toute part. Et s'il n'y en avait qu'une, mais des centaines s'étaient données rendez-vous au firmament pour transpercer le corps sombre de leurs rayons blanchâtres. Et bizarrement, bien qu'aucun soleil ne semblait briller, il faisait plus clair qu'en plein jour et surtout bien plus chaud. Une chaleur écrasante, à telle point que la Fée ne se sentait pas capable de faire un pas, ni même se rélever, tandis qu'elle était colée, aplatie contre du marbre tapissé d'aiguilles.

Elle ferma ses yeux un instant, comme pour effacer du monde toute ce qui la tourmentait et fut transportée l'espace d'un instant entre quatre murs, mais si lointains qu'elle n'aurait jamais de toute une vie pour les atteindre. D'ailleurs les voila qui continuaient à s'éloigner, tandis que les lunes étaient revenues, plus proches mais toujours à moitié amputée et brillant de ces mêmes lances de lumières que Lain ne pouvait esquiver. Des visages déformés étaient apparus dessus, qui souriaient et rigolaient, se moquaient de sa faiblesses, tandis qu'elles tournaient maintenant autour d'elle. Encore une fois, la Fée n'eut d'autre recours que de fermer ses paupières, non sans un écoeurant sentiment de faiblesse.

Tout était cette fois bien plus sombre, mais la chaleur était elle toujours là, bien plus forte, comme si elle accouchait des boules de feu. La seule source de lumière, autre que son ventre, se situait bien plus loin, d'où provenaient des rires monstrueux. Plissant les yeux, mais ne diminuant pourtant pas le brouillard qu'ils contenant, elle réussit à distinguer une femme et un homme en armure, qui tout deux la regardaient en rigolant. Elle tenta de se trainer vers eux, tandis que sa poitrine semblait tenter de s'ouvrir pour laisser en sortir de la lave.

"Tiens je pensais..."

Elle continuait à se trainer, mais elle sentait ses forces la quitter.

"... que tu te serais..."

Elle ne sentit bientôt plus rien dans son corps, tout étant complètement engourdi, à part son torse qui semblait avoir capté toute la douleur du reste du corps. Elle commença alors à fermer ses yeux.

"... déjà fait la malle, la mouche."

Elle rouvrit brusquement ses yeux, revenant à la réalité et son pitoyable état. Devant elle la dominait le Mutant, bouchant tout son champ de vision.

"Et ton cerveau... ça fait combien de... temps qu'il s'est fait la malle..."

Gardant sa main sur sa plaie, afin d'en diminuer l'écoulement par l'intermédiaire de son pouvoir, elle porta alors son attention plus en détail sur le Mutant. Il avait l'air vidé et à la limite de la conscience et, tandis que l'ensemble de son corps était taché de sang, du sien ou de celui de ses victimes, une blessure à l'abdomen, maladroitement couverte d'un bandage déjà entièrement rouge, ne laissait que peu de doute sur la douleur qu'il pouvait ressentir. Pourtant, il serrait les dents et s'était même encombré du fils prodigue. Vu qu'il ne s'était pas encore volatilisé, on pouvait sans doute ajouter parricide à la longues listes de ses défauts, à côté de niais, pédant et moralisateur.

"T'emmènes ton quatre heures pour la route ?"

Elle voulut rire mais eut l'impression de perdre ses tripes dès le premier soubresaut.

"Je pense que ton benzert va avoir de la visite sous peu. T'es encore capable de me suivre ou faut que je te porte sur l'autre épaule, microbe ?"

Elle se remit alors lentement sur ses jambes, sans essayer de faire un pas le temps de retrouver un peu d'équilibre, de contenance et que la migraine qui lui rongeait le cerveau se calme. Des tâches noires pétillèrent devant ses yeux et elle dut se tenir un moment à ce qu'il restait de la fontaine pour ne pas retomber. Elle se mit alors à marcher prudemment vers la sortie, répondant implicitement à la question de Skalathrax. Elle espéra ne pas le surestimer en le croyant capable de capter l'implicite.

Pas qu'elle se sentît particulièrement en forme, mais vu l'état dans lequel était le Mutant, elle ne voulait pas se rajouter à la charge qu'il transportait. Pas qu'elle devait peser très lourd mais ça augmentait toujours un peu ses chances d'arriver à destination. A lui et à elle du coup. Et de toute façon, elle voulait autant que possible éviter de dépendre autant de quelqu'un, encore plus si c'était pour être trimballé sous le bras comme un vulgaire sac.

Elle suivit alors péniblement le Mutant tandis qu'il faisait le chemin inverse, tantôt marchant quand le vol la fatiguait trop, tantôt volant quand la douleur était trop forte, les deux généralement de traviole. Elle se mangea plusieurs fois le Mutant, empêchant ainsi de chuter lamentablement. Heureusement ils évitèrent au maximum les endroits les plus bondés, réduisant ainsi un peu leur calvaire. Au moins celui de Lain en tout cas. Celui du Mutant aurait pu être bien plus faible s'il s'était débarassé du poids de l'Anwilein, ce que la Fée eut envie de lui dire pendant tout le chemin mais, ne trouvant jamais la force suffisante pour ouvrir sa bouche sèche, elle préféra plutôt réfléchir à toutes les choses amusantes et dégradantes que l'on pouvait faire avec un Anwilein dans le coma.

Ils arrivèrent alors finalement tant bien que mal chez le médecin de fortune qui était apparemment occupé sur un autre patient. Ou en tout cas avait été occupé puisque le Mutant qui gisait sur la table ne donnait plus aucun signe de vie tandis que le Benzert trifoullait ses entrailles. Entendant Lain et surtout Skalathrax pénétrer dans la salle, il se tourna vers eux et les regarda par-dessus ses lunettes, apparemment pas vraiment étonné de les voir revenir.

"Je fais pas de "satisfait ou remboursé". Si l'intérieur de votre ventre est en train de fondre c'est que vous avez fait un truc qui va pas, c'est pas de ma foute."

"T'inquiète... ya eu récidive là..."

Elle fit tout son possible pour pas s'écrouler dès les premiers mots. Elle surprit le regard perplexe du Benzert. Elle lui pointa alors la loque qui agonisait sur l'épaule du Mutant.

"C'est le... le type dans le coma... qui paye... l'est d'accord..."

Le médecin sembla alors un peu plus convaincu et poussa à terre le cadavre qui trainait encore sur la table, provoquant un bruit sourd qui ajouta encore à la migraine de la Fée. Le Benzert indiqua alors la table d'opération de ses mains, comme s'il était fier de l'espèce de table branlante et dégoûtante qui s'y substituait, puis intima à la Fée d'y grimper.

"Toi d'abord la naine, t'as l'air moins touchée"

Elle se surprit à se demander alors dans quel état elle serait si elle était "plus touchée". Sans doute morte. Après quoi elle alla se placer sur la table, non sans une certaine angoisse, se sentant dans une telle position de faiblesse, aux mains d'un type en qui elle avait une confiance plus que limitée. Puis tout alla très vite, elle le vit se concentrer, une forte lumière aveuglante se concentrer dans ses mains puis ce fut le choc, une douleur bien plus grande que ce à quoi elle avait pu goûter toute la journée. Puis plus rien. Juste une douleur qui lui tirait toujours la poitrine et une grande envie de dormir. Et une grosse cicatrice qui lui courait maintenant en travers du torse. Elle descendit alors de la table pour aller s'assoir sur une chaise non loin, tout en touchant avec curiosité sa cicactrice.

"Au gros là, allez ! J'ai pas toute la journée !"

« Au gros là, allez ! J'ai pas toute la journée ! »

Le benzert avait de la chance d'être médecin. Parce qu'on frappe pas un médecin vu que celui-ci est plus utile vivant que mort. Dur compromis pour une brute comme Skalathrax. Il s'efforça de lui lancer le regard le plus terrifiant dont il était capable en grimpant sur la table. Le benzert feint ne pas le voir le examinant la blessure. Celle-ci n'était pas belle à voir et Skala lâcha un cri quand le guérisseur retira les bandages avec précaution.

« Hé bin, on peut dire que tu ne t'es pas loupé, étonnant que tu ne sois pas encore mort. »

Il farfouilla dans son bordel et fourra une baguette en bois dans la bouche au mutant.

« Ça risque de vraiment faire mal vu la tronche de ton bide donc mort fort la dedans et serre les fesses. »

La brute épaisse lui adressa un rictus mauvais.

« Tu fais bien de m'y faire penser. Attache moi avant de commencer, ça m'évitera de... Hum, m'agiter tu vois ? »

L'expression de Skalathrax présentait un un sourire suffisamment malsain pour que le benzert s'attarde sans broncher à satisfaire sa demande. Après avoir vérifié que les liens étaient assez forts pour le retenir le mutant se relâcha mentalement et mordit fermement dans le bâton: dans cet état, il n'aurait pas pu résister une seule seconde à sa seconde nature et il eût été dommage de sacrifier ainsi un si bon médecin.
Les mains du benzert s'illuminèrent de nouveau d'une grosse masse de lumière qu'il plongea dans la trouée de son ventre. Le choc éveilla instantanément l'âme noire du mutant. Un rugissement jaillit du fond de sa gorge alors que la baguette giclait de sa bouche. Le guérisseur eut un mouvement de recul mais les solides liens le protégèrent du monstre qui tentaient de se dégager. L'énergie entre ses mains disparut et il s'écarta vivement du fou-furieux qui continuait de s'agiter. Il adressa un regard quelque peu apeuré à Lain.

« C'est normal ? »

La fée acquiesça mollement, prête à s'envoler si le mutant parvenait à se libérer. Le benzert farfouilla dans ses affaires un moment. Il finit par sortir une seringue à l'aspect archaïque et peu reluisante. Puis il adressa un sourire pervers à Sofia.

« Ne t'inquiète pas pour lui, c'est juste un tranquillisant. On utilise ça pour stériliser les bêtes de somme en toute quié... »

« Manquerait plus qu'elle s'inquiète, la raclure. Tu peux me détacher, c'est passé. Et il faut que tu t'occupes de l'autre asticot. »

Le guérisseur interrogea du regard Lain qui resta muette. Skalathrax était persuadé qu'elle trouverait ça très amusant de le voir se prendre sa dose de calmants. Finalement le benzert vint le libérer de ses liens. Enfin libre le mutant installa l'anwilien, toujours dans les vapes, sur la table puis inspecta avec délicatesse sa nouvelle cicatrice. Comme la première fois, il ressentait encore une douleur sourde, mais celle-ci était douce et chaude comparé à avant.

« MeuuuIENH ! »

Zakiel venait de recevoir sa dose de lumière et il n'avait pas l'air d'avoir apprécié. Néanmoins il resta inconscient.

« C'est vraiment des tarlouzes les anwilliens... »

La dessus, il sortit de chez le benzert pour son prochain pèlerinage vers la mort.

Lain était dans les vappes. Et c'était peu de le dire d'ailleurs. Elle avait mal, elle se sentait sale et pire que tout, elle avait l'impression que sa balance de gains de la journée était profondément dans le négatif. Et avoir torché trois Anwileins ne suffisait même pas à rattraper ça. Aussi, la Fée s'était affalée sur sa chaise, les jambes dans le vide et le regard fixé au plafond, pensive. Elle sentait une rage contenue monter en elle. Rage de ne pas être plus puissante. Rage de ne pas être plus imposante. Rage de se sentir parfois si insignifiante.

Néanmoins elle tenta de chasser bien vite ces pensées et reposa son regard sur le Mutant qui s'apprêtait à déguster sur la table d'opération. En regardant sa blessure, elle ne put s'empêcher de ressentir une espèce de honte déplacée d'avoir considéré sa propre blessure comme grave. Elle ne s'attarda néanmoins pas trop longtemps sur cette pensée, la vie lui ayant déjà appris depuis bien longtemps qu'éviter des sentiments comme la gêne et la honte permettait de survivre bien plus longtemps. Elle se contenta donc de regarder avec curiosité les soins expéditifs du médecin et non sans une certaine peur face à l'accès de fureur du Mutant. On ne s'habituait jamais vraiment à un spectacle pareil et il n'aurait pas été faux de dire que la Fée aurait été bien plus rassurée de le voir se prendre sa piqûre, que ça ne soit qu'un tranquillisant ou bien plus.

Mais finalement, l'opération se déroula sans plus d'encombre que ça et Skalathrax semblait de nouveau opérationnel et prêt pour toutes les occupations intellectuellement complexes qu'il avait prévu pour le reste de la journée. Son regard bovin aussi déterminé que sa démarche élégante et chaloupée. Lain le regarda alors partir, amusée par ces pensées et sans même porter aucun intérêt à l'Anwilein qui était en train de prendre sa dose de vie des mains du Benzert.

Avant de se rendre compte que la brute semblait l'avoir complètement oubliée. Forte de la rage et de la vexation provoquées par ce manque effarant de considération pour elle, elle bondit alors de sa chaise. Puis se ramassa par terre, encore sous le coup d'une vive douleur à l'abdomen. Avant de finalement réussir à se relever et à marcher péniblement vers la porte.

"Et mon fric ?"

Elle avait à peine dépassé le seuil que le médecin la rappela à ses obligations pécunières, n'ayant que peu de pitié pour la Fée qui n'arrivait même plus à voler droit. Ce qu'elle pouvait d'ailleurs tout à fait comprendre.

"C'est le fameux Zakiel sur ta table là alors connaissant l'engin, ça m'étonnerait qu'il te paye pas. Au pire t'auras qu'à lui dire que t'es au courant pour son nouveau statut de parricide... même si j'éviterais quand même de le crier sur tous les toits à ta place."

Sans s'attarder plus longtemps elle fila alors de nouveau dans la direction vers laquelle était partie le gros. Elle n'avait pas reçu d'objet contendant derrière la tête et en déduit donc que soit le Benzert était une fois de plus torché et l'avait loupée, soit sa réponse l'avait convaincu.

Le problème était que son fidèle compagnon ne l'avait pas vraiment attendue et que tout ce qu'elle voyait dans la ruelle qui lui faisait face était un Yakon clochard qui agonisait en vomissant tout ce qu'il pouvait. Prenant de la hauteur, la Fée tourna un moment en rond à la recherche de Skalathrax. Après une bonne dizaine de minutes passée à pester contre l'autre brute qui, bien que passablement idiote, avait dû faire exprès de ne pas l'attendre, Lain se résigna finalement : elle n'avait aucune chance de le trouver comme ça. Restait la possibilité d'attendre d'entendre parler du prochain massacre pour être sûr de l'y trouver là mais son idée était plutôt qu'il s'occupe de ses problèmes à elle avant de se jeter dans sa prochaine mission suicide.

Néanmoins il y avait une autre possibilité : Zakiel. Il avait eu l'air de dire avoir croisé Skalathrax chez... l'autre conne. Il devait donc être en parti dans la combine. Sans doute connaissait-il la liste. Et puis, dans le pire des cas, ça n'est jamais une mauvaise idée de rester à proximité du type qui vient d'hériter du patrimoine d'une des plus grosses familles de l'étage. Peut-être même qu'elle n'aurait pas besoin de récupérer ce qui lui avait été volé. Ce qui ne voulait pas dire qu'elle ne se vengerait pas.

Elle voleta donc à toute vitesse chez le médecin espérant que l'Anwilein fut aussi naze que le Mutant ne cessait de le répéter et n'ait pas fait preuve d'une guérison miraculeuse. Et le fait est qu'elle poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle constata qu'il dormait toujours. Le médecin, lui, était absent. Sans doute en train de se shooter dans la salle d'à côté. La Fée s'assit donc face à la table d'opération, tripotant avec curiosité la bande claire que faisait sa nouvelle cicatrice sur son torse en attendant que le malade ne se réveille.


Et tandis que la Fée était quasiment sur le point de s'endormir, la nuit commençant à doucement s'installer et la fatigue de la journée prenant son tribut, il finit par se réveiller. Elle lui laissa le temps de bien revenir à lui avant de lancer la conversation :

Yo Kaziel ! J'ai bien cru un moment que tu te réveillerais pas. Mais il doit sans doute te rester de la famille éloignée à massacrer qui t'empêche de quitter sereinement cette vie. Ou alors c'est peut-être le fait que trépasser ne te ferait que retrouver ceux dont t'as eu tant de mal à te débarasser.

Mais bref, tout ça je m'en fous un peu. J'aurais besoin de retrouver l'autre gros tas - c'est qu'il est attachant vois-tu - et le seul moyen que je vois actuellement c'est en le rejoignant chez sa prochaine victime. Qui est le suivant sur la liste ?