À la poursuite des moutons disparus

L'étonation se lut sur son visage en voyant que le paquet était toujours là. Cet adjectif n'existe peut-être pas dans le vocabulaire Petipeton, mais je me tue à vous ressasser que les Myschiffons est une race civilisée qui ne fonctionne pas comme les autres tout en parvenant à s'intégrer dans la société malgré tout alors ne jouez pas les étonnés !

Clignant une fois des yeux, puis deux, puis trois fois, autant se servir de l'étonation à son avantage.

Je... Je...Il est plus là.

Descendant de son tabouret, Eirin courut vers "son" chariot de nettoyage à la vitesse d'un mouton au galop, même s'il s'agit encore d'une expression déformée.

L'a dû tomber de mon chariot pendant que je nettoyais ou un truc comme ça alors oubliez le service que je vous ai demandé.
Juste avant que la porte ne se referme sur le valet, la même voix nerveuse ajouta :
Encore désolée et bonne journée !

L'araignée partit vers le couloir de gauche, à moins que ce ne soit en fait celui de droite ?
Diantre que ce Palais était vraiment mal agencé.

J'espère que le tandem Zo/Biseptine vont entrer dans la pièce à leur tour, sinon tant pis !

Hey ! Attendez ! Zo entendit le bruit d'une course derrière lui. Vous... ne devez pas... continuer... la visite... sans moi. Monsieur ! Bien vite, les protestations s'estompèrent.


Installée derrière une plante verte, Linora fixait intensément la porte d'où lui étaient parvenus les bruits d'une conversation. Elle assista alors à un étrange manège.
D'abord, Eirin qui sortait de la pièce en question, échangeant quelques politesses avant de claquer la porte derrière elle (on entendit un "Aïe !" sonore). La Myschiffone s'engagea dans le couloir de gauche, où se trouvait quelques mètres plus loin sa collègue, et reprit son rôle en lustrant pour la énième fois les guéridons. Un regard appuyé sur Linora lui fit néanmoins comprendre qu'elle l'avait repérée.
L'instant d'après, se tenant le nez dans une main, un valet sortit à son tour de la pièce. Il lança un regard furieux à Eirin avant de partir du côté opposé.
Oh ! Mais c'est pas vrai ! lâcha-t-il depuis le bout du couloir, après avoir percuté Zo qui arrivait en trombes en sens inverse, à la suite de Biseptine.

Enfin...
Hum hum. fit une voix dans le dos de Linora. En se retournant, elle se retrouva face... AU ROI !
Puis-je savoir ce que vous cherchez dans cette plante verte, Mademoiselle ?
A la réflexion, quelque chose chez le Tiffanion fit tilt : Tarty Flète. La jeune centaure ne savait trop pourquoi - elle ne connaissait le visage du roi que par les affiches officielles et avait à peine croisé son sosie quelques jours plus tôt - mais elle était convaincue qu'il s'agissait du deuxième.


Eirin, qui avait elle aussi assisté à ce chassé-croisé digne d'un vau-de-ville, parvint à la même conclusion concernant le personnage couronné.

Zo était trop occupé à épousseter son costume pour avoir remarqué l'arrivée du Monarque.

Il y eut une seconde de flottement. La jeune Centaure était bloquée sur place, la bouche s'arrondissant lentement, alors que son cerveau tournait à plein régime pour trouver un mensonge convaincant. Les toilettes ne lui seraient d'aucun secours cette fois. Puis elle prit doucement conscience de différent signaux que son cerveau lui envoyait en boucle et du fait que ce n'était pas vraiment, vraiment le roi qu'elle avait devant elle. Sur une inspiration, elle se lança.

- Je faisais une visite guidée du Palais et puis mon Kyaah a eu faim. Elle montra la boule de poils en question d'un doigt accusateur. Et parfois il écoute plus rien du tout quand il a faim, alors pour pas qu'il mette le bazar dans votre palais - votre Majesté -, ajouta-t-elle à la réflexion, j'essaie de lui trouver quelque chose à manger et j'essayais de voir s'il pouvait pas manger un ptit bout de plante.

C'était pas brillant. Mais elle n'avait pas trouvé grand chose de mieux sur le moment. Pour faire bonne mesure, dès fois qu'il ne l'ait pas reconnue grâce à son super déguisement, elle enleva sa charlotte et lui fit un clin d'œil.

Fléau dut sentir que l'on parlait de lui et/ou de nourriture, puisque sa langue fit un long séjour contre ses babines, tandis qu'un peu de salive pointait à la commissure de ses lèvres. Il émit un grognement qui, Linora le savait bien, voulait sans doute dire quelque chose du genre : "J'ai faim. Bon, ok, j'ai tout le temps faim... mais là encore PLUS !"

Le Tiffanion écouta la jeune fille d'un air sévère, mais perplexe. Seulement, lorsqu'elle se découvrit et lui fit un clin d’œil, il devint blême un instant, avant de reprendre contenance. Sans la regarder, il chuchota :
- Mais enfin, qu'est-ce que vous faites ici ?!

Zo finit de s'épousseter en marmonnant. Le Moustimace avait disparu de son champ de vision, brièvement remplacé par les genoux d'un valet. Le Dragon remit ses lunettes droites, ses oreilles vadrouillant dans tous les angles afin de correctement interpréter la situation.

Au loin, du marmonnage de centaure et du marmonnage d'autre chose. Hum. Que Linora marmonne toute seule, soit. Petite fille, elle devait forcément avoir quelques amis imaginaires. Qu'elle marmonne en s'adressant à sa boule de dents, pourquoi pas non plus... Mais qu'elle marmonne et qu'on lui réponde ???

Alignant enfin ses yeux avec leur orbite respective, Zo lança son regard à travers le couloir. Celui-ci lui revint en pleine figure, avec l'image d'un Tiffanion royal en pleine discussion avec la jeune centaure.

Bon. Le Dragon ne se formalisa pas et retira ses lunettes, les frotta un bon coup avec sa manche la plus propre, se lustra les globes oculaires d'une ou deux flammèches, reprit une posture un peu plus droite, remit ses lunettes et se montra à nouveau réceptif à toute onde lumineuse. Toujours le Tiffanion.

Il releva ses lunettes. Toujours le royal.

Il remit ses lunettes et se tourna d'un quart de tour, feignant de découvrir une tapisserie avec des "aaaaah" et des "ooooooh" murmurés de façon extatique. Simultanément, il se colla au textile monarchique pour en admirer les détails et profiter d'une plante verte bienvenue gorgée de soleil et profitant au maximum de l'espace libre du couloir. Bref, d'une grosse plante verte.

Pourvu que la centaure l'occupe suffisamment longtemps sans faire de bétise pour que le Dragon ait le temps de penser à une stratégie...
Il alla donc toquer à la porte de son imagination, demandant une stratégie.... On lui répondit : c'est la grève, revenez dans 3 jours...

Pourvu que Linora tienne jusque là.......

Le signal de Fléau ne passa pas inaperçu. Alors que le monarque prenait grand soin de ne pas la regarder, Linora tendit une main à l'aveugle vers l'une de ses sacoches, celle qui contenait les lamelles de viande séchée et en tira une, qu'elle tendit à Fléau - en faisant bien attention à ses doigts.

- Aller, tiens, et sois sage.

Puis, à l'adresse du monarque, tout en regardant Fléau pour faire comme si elle ne parlait pas au roi, elle murmura

- Bah j'enquête !

La mâchoire de Fléau se referma avec une rapidité fulgurante et le bout de viande disparut. Le fait que les doigts de Linora soient, eux, restés intacts tenait soit d'une chance inouïe, soit d'une application remarquable de la bête à ne pas boulotter la main qui le nourrissait.

Tarty Flète fit un bond. Une goutte de sueur apparut sur son front.
Vous enquêtez ? Dans le palais ?! Mais... mais pourquoi ?

Distraitement, Linora grattouilla Fléau sur le sommet de la tête.

- Je suis la piste ! répondit-elle au presque monarque, d'un ton de conspiratrice. Les indices mènent ici.

Ah oui ? Bien, bien. Eeeeh... bah je vais vous laisser enquêter, alors, hein ?
Tarty Flète pivota et reprit sa traversée du couloir, lâchant simplement un "Bonjour Monsieur" distrait en arrivant au niveau de Zo.